Finances hospitalières : la maladie cachée qui ronge les hôpitaux
08/11/2024 - Hélas mais sans surprise, la trentième étude MAHA de Belfius sur la santé des hôpitaux en 2023, révèle que les finances du secteur hospitalier se dégradent encore.
Hélas mais sans surprise, la trentième étude MAHA de Belfius sur la santé des hôpitaux en 2023, révèle que les finances du secteur hospitalier se dégradent encore. Plombé par des hausses de coûts diverses et les frais de personnel, le résultat final du secteur est « sauvé » par l’exceptionnel. « A moins de 1% du chiffre d’affaires, le résultat net dégagé par le secteur est trop faible pour investir dans l’avenir. Ainsi, les nouvelles technologies supposées alléger le travail du personnel soignant au bénéfice de la qualité des soins, par exemple, ne seront envisageables que pour une minorité du secteur. », estime Philippe Devos, Directeur général d’UNESSA. « Avant le COVID, il fallait déjà jouer au funambule pour garder à flot nos hôpitaux. À présent, on vient de perdre le filet. Il est urgent que les autorités lancent, avec le secteur, une courageuse et rapide réforme ambitieuse. », poursuit-il.
On pourrait croire que le secteur hospitalier de notre pays ne s’en sort pas si mal avec un résultat net à 82 millions d’EUR pour un chiffre d’affaires d’un peu plus de 20 milliards en 2023. Pourtant, à 0,4%, le rapport entre ces deux montants fait déjà tiquer le moindre « bon père de famille ». Qui plus est, ce sont les rentrées exceptionnelles qui sauvent les meubles. Des rentrées provenant principalement des révisions de financement des pouvoirs publics pour les exercices précédents, en diminution d’année en année par ailleurs.
Moins de capacité d’investir
Pour la grande majorité des hôpitaux, dépendre de rentrées exceptionnelles pour ne pas finir l’exercice dans le rouge ne permet plus de se projeter ni d’investir. Philippe Devos : « Par manque de fonds propres, on constate depuis 2018 une diminution relative (hors indexation), des budgets de rénovation des bâtiments, alors que les coûts de l’énergie continuent à peser sur les comptes et que le secteur voudrait participer à l’effort collectif de durabilité environnementale, du moins s’il en avait les moyens. »
Le même constat peut être fait pour les investissements en matériel médical. Ils chutent dans l’ensemble du pays (-1,5%). « Devoir arbitrer les demandes médicales de nouvelles technologies par manque de moyens est désormais devenu la norme du secteur. A ce train-là, je crains qu’on ne quitte rapidement la famille des meilleurs pays en termes de soins curatifs. », constate le Directeur général d’UNESSA.
La situation de certains hôpitaux est tellement tendue qu’ils sont de plus en plus nombreux à faire appel à l’emprunt pour financer les salaires, peut-on encore lire dans le rapport Belfius.
Hors éléments exceptionnels, le résultat d’exploitation du secteur s’affiche à -174 millions d’EUR. Il s’agit bien d’une moyenne pour l’ensemble des hôpitaux belges. Des disparités existent entre établissements. Mais une chose est certaine, le nombre d’hôpitaux déficitaires augmente : d’un tiers d’entre eux en 2019, il s’agit presque des deux tiers en 2023.
Pénurie de personnel : le plus grand défi
« Le plus grand défi du secteur réside toujours dans la disponibilité réelle en personnel. Il en manque toujours », insiste Philippe Devos. La pénurie est toujours là, surtout dans le personnel soignant.
Ainsi, par rapport à 2022, il n’a été possible d’engager que 497 soignants supplémentaires pour l’ensemble des hôpitaux, pour couvrir plus de 3.000 postes ouverts. « 5% des postes de soignants sont vacants. Et à nouveau en 2023, le recrutement ou l’intérim, tous les deux en croissance, ne parviennent toujours pas à couvrir ce trou. Résultat, des services continuent à devoir être fermés faute de collaborateurs et la pression s’accroit sur ceux qui restent. C’est un cercle sans fin. Quand on sait que les démographes nous annoncent que, d’ici 2040, l’offre de futurs nouveaux soignants sera inférieure à la nouvelle demande en soins liée au vieillissement de la population, on se demande comment on pourra encore soigner tout le monde correctement si on ne remonte déjà pas le déficit en ce moment. Cela devrait être la préoccupation numéro 1 de tous. », analyse Philippe Devos.
Pour UNESSA et son Directeur général, il est donc urgent que les autorités prennent la mesure de la situation des hôpitaux dans toutes ses dimensions. Une réforme ambitieuse doit voir le jour, en collaboration étroite avec le secteur.